Les Templiers ont été arrêtés massivement dans le Royaume de France le vendredi 13 octobre 1307, en exécution des directives données un mois auparavant par le Roi, Philippe le Bel, et transmises secrètement dans tout le pays à tous ses baillis et sénéchaux. En même temps, tous leurs biens mobiliers et immobiliers ont été saisis et confiés à la garde du trésor royal. Ces opérations furent menées en quelques heures, dès l'aube, de sorte que les Chevaliers de la Milice du Christ ne purent opposer aucune résistance.
Les procès-verbaux des interrogatoires démontrent que les agents royaux n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient, mais qu’en même temps, ils ont surpris des chevaliers désarmés, si bien que, nulle part dans les Maisons du Temple on ne s’attendait à une attaque d’une telle violence et d’une telle envergure. S’ils n’avaient pas été arrêtés sans arme et sans armure, ils n’auraient pas manqué de se défendre, après leurs trois sommations réglementaires, puisque les assaillants étaient chrétiens, et de mettre ces derniers en pièces. Leur réputation de guerriers d’élite n’était plus à faire : la règle leur prescrivait de toujours accepter le combat, jusqu’à un contre trois.
L’initiative de Philippe le Bel et de ses conseillers légistes visait à contourner l'autorité du pape, Clément V, dont dépendait pourtant exclusivement l'Ordre du Temple depuis sa reconnaissance par le Concile de Troyes, ouvert le 13 janvier 1129 ; à cette occasion, les Templiers avait bénéficié de l'appui de Bernard de Clairvaux, le principal promoteur de l'Ordre Cistercien, et de divers personnages importants de la noblesse française, dont le Comte de Champagne, Thibaut de Blois. Parmi les fondateurs de l’Ordre du Temple, symboliquement au nombre de neuf, figuraient l’oncle de Saint Bernard, André de Montbard. Il faut bien comprendre que, dans la mentalité médiévale, la référence à Saint Bernard, pour l’éloge de cette milice d’un nouveau genre et la rédaction de ses statuts, n’avait pas vraiment une portée historique ou philologique, mais visait plutôt à conférer une légitimité chrétienne à un ordre de moines-soldats.
Pour tenter de reprendre le contrôle de la situation, Clément V proclama le 22 novembre 1307 une bulle intitulée « Pastoralis præeminentiæ », prévoyant un procès public, qui serait mené conjointement par les légats du pape et les légistes royaux; il ordonna également aux souverains européens d'arrêter les Templiers qui résidaient sur leurs terres et de confier la gestion de leurs biens à l'Église, à l'exception des propriétés templières dans la péninsule ibérique.
Le 25 mars 1308, pour faire échec à cette manœuvre, Philippe le Bel fit convoquer les États Généraux du Royaume, qui se réunirent à Tours du 5 au 15 mai 1308, de manière à faire approuver la condamnation de l'Ordre du Temple et des Templiers.
Dans les jours qui suivirent leur emprisonnement, les Templiers furent interrogés sous la torture, dans le cadre d'un procès placé sous l'autorité ecclésiastique de l'Inquisition, mais sur la base d'un acte d'accusation rédigé par le Garde des Sceaux du Roi, Guillaume de Nogaret.
Dans l'enceinte de la maison principale de l'Ordre du Temple, située à Paris, cent trente-huit personnes furent arrêtées, dont le Maître, Jacques de Molay ; le Roi demanda à son confesseur, le Grand Inquisiteur de France, Guillaume de Paris, de diriger leurs interrogatoires. Trente-huit chevaliers moururent sous la torture, trois nièrent avec opiniâtreté les faits qui leur étaient reprochés, tandis que la plupart firent des déclarations qui permirent d'asseoir les accusations d'hérésie et d'idolâtrie. La plupart des survivants rétractèrent leurs aveux devant une première commission pontificale qui commença ses travaux à Paris, le 12 novembre 1309. Dès lors, ils furent condamnés comme relaps, l'autorité ecclésiastique considérant qu'ils étaient retombés dans l'hérésie à laquelle ils avaient solennellement renoncé auparavant. Le 12 mai 1310, cinquante-quatre d'entre eux furent mis à mort sur le bûcher à l'initiative de l’Archevêque de Sens, Philippe de Marigny, qui devait sa nomination récente à l'intervention royale; tous les interrogatoires de la commission pontificale furent terminés le 26 mai 1311.
Par sa bulle du 12 août 1308, intitulée « Faciens misericordiam », Clément V avait créé des commissions diocésaines, chargées d'enquêter sur les agissements des Templiers, et des commissions pontificales, chargées de juger l'Ordre du Temple; elles livrèrent leurs rapports lors du Concile de Vienne, sur le Rhône, qui commença ses travaux le 16 octobre 1311. Leurs conclusions n'allaient cependant pas dans le sens des désirs du roi et ses conseillers. Pour une grande partie des participants, l'Ordre du Temple devait être réformé plutôt qu'aboli. Plusieurs d'entre eux n'étaient pas convaincus de la culpabilité des Templiers et voulaient entendre leurs moyens de défense.
Ne voulant pas s'opposer ouvertement au pouvoir royal, Clément V atermoie pendant plusieurs mois. Plusieurs templiers ont fait le déplacement jusqu'à Vienne devant le concile afin de défendre leur ordre, prétendant que près de deux mille de leurs frères se tenaient prêts dans les environs à venir témoigner devant le concile. Clément V, craignant un coup de force, informe le roi au mois de décembre de ce regroupement et ordonne leur emprisonnement. Le mois suivant, Philippe le Bel convoque les États Généraux du Royaume à Lyon pour le 10 février 1312, en vue d'approuver la suppression de l'Ordre du Temple, tout en demandant la création d'un nouvel ordre à la tête duquel il souhaita placer son fils.
Au printemps, les membres du concile apprennent que le roi se trouve à Lyon avec son armée. Accompagné d’une forte escorte, il arrive à Vienne, le 20 mars 1312. Une telle démonstration de force laisse peu de choix aux membres du concile. Sous la menace d'une intervention militaire, les travaux sont bâclés.
Le 22 mars 1312, une première bulle papale intitulée « Vox in excelso » procède à l'abolition de l'Ordre du Temple, sans pour autant prononcer sa condamnation : « non sans amertume et tristesse de cœur, non pas en vertu d'une sentence judiciaire, mais par manière de provision ou d'ordonnance apostoliques, (l'ordre) et sa constitution, son habit et son nom, par décret irrévocable et valable à perpétuité » sont soumis par le Pape « à une interdiction perpétuelle » défendant « formellement à quiconque de se permettre à l'avenir d'entrer dans (l'ordre), de recevoir ou de porter son habit, ou d'agir en tant que templier » : quiconque transgresserait cette interdiction encourrait automatiquement, par un tel fait, la sentence d'excommunication; cet acte fut adopté avant sa publication, le 3 avril 1312, par un consistoire secret auquel n'assistèrent que quelques cardinaux.
Le 2 mai 1312, une deuxième bulle papale intitulée « Ad providam » opère la dévolution de la totalité de ses biens à l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Toutefois, les propriétés templières situés dans les royaumes de Castille, d'Aragon, de Portugal et de Majorque sont maintenues sous séquestre dans l'attente d'une décision ultérieure.
Le 6 mai 1312, une troisième bulle papale intitulée « Considerantes dudum » détermine le sort des hommes : ceux qui avaient avoué les faits qui leur étaient reprochés ou qui avaient été déclarés innocents se verraient attribuer une rente et pourraient vivre dans une maison de l'ordre, tandis que tous ceux qui avaient nié ces accusations ou avaient rétracté leurs aveux subiraient un châtiment sévère, en principe la peine de mort.
Toutefois, le sort des quatre principaux dignitaires de l'Ordre du Temple restait entre les mains du pape. Il s'agissait de Jacques de Molay, Maître de l'Ordre du Temple, Geoffroy de Charnay, Précepteur de Normandie, Hugues de Pairaud, Visiteur de France et Geoffroy de Goneville, Précepteur du Poitou et de l'Aquitaine. Ils réitérèrent leurs aveux devant une commission pontificale nommée le 22 décembre 1313. Le 18 mars 1314, ils furent amenés sur le parvis de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, afin d'entendre la sentence. A cette occasion, ils apprirent qu'ils étaient condamnés à la prison à vie. Alors que les cardinaux pensaient avoir mis un terme à cette affaire, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay clamèrent inopinément leur innocence. Aussitôt déclarés relaps, ils furent remis au bras séculier, c'est-à-dire à la justice royale.
Philippe le Bel convoqua son conseil, qui condamna les deux dignitaires à être brûlés vifs le lendemain sur un bûcher dressé sur l'île aux Juifs.
Un chroniqueur de l'époque, Guillaume de Nangis rapporta qu'on les vit « si résolus à subir le supplice du feu, avec une telle volonté, qu'ils soulevèrent l'admiration chez tous ceux qui assistèrent à leur mort. »
Pourtant, dès le début de l'affaire, le pape avait demandé à entendre personnellement les dignitaires de l'Ordre du Temple à Poitiers, où il résidait. La plupart d'entre eux étaient toutefois emprisonnés à Chinon. Le roi prétexta que les prisonniers, au nombre de septante-deux, étaient trop faibles pour faire le voyage. Dès lors, le pape délégua deux cardinaux pour procéder à leur interrogatoire sur place.
Le manuscrit qui relate le contenu de leur audition indique que le pape a donné son absolution à tous les dirigeants de l'ordre à cette occasion. L'original du parchemin est daté du 17 au 20 août 1308. En 2002, Barbara Frale en a retrouvé une copie dans les archives secrètes du Vatican. Ce document a été publié en 2007 avec l'ensemble des documents relatifs au procès. Il en résulte que la condamnation et la mise à mort des dirigeants de l'Ordre du Temple relève de la seule responsabilité du roi. En définitive, les quatre dignitaires qui ont avoué avaient été absous, seuls les deux qui ont ensuite renié leurs aveux ont été exécutés sur le bûcher.
Les décisions prises lors du concile de Vienne marquèrent la fin officielle de l'Ordre du Temple ; l'exécution de son dernier maître, Jacques de Molay, le 19 mars 1314, avait fait disparaître les derniers espoirs d'une hypothétique renaissance. Les biens templiers qui demeurèrent après les multiples usurpations commises à travers tout le pays et les pré¬lèvements effectués par le pouvoir royal en raison des frais du procès, en particulier les commanderies, sont attribués à l'Ordre des Hospitaliers. Pour autant, tous les chevaliers, frères et servants n'ont pas été exécutés ; bon nombre d'entre eux sont retournés à la vie civile ou ont été accueillis par d’autres ordres religieux, s'ils ne s'étaient pas déjà réfugiés à l’étranger ou auprès de confréries de métiers...
Pendant ce temps, ultime dépositaire d'un secret, un vieux moine attend dans le silence du cloître de son abbaye…
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